Le plus célèbre faux de l'histoire : la donation de Constantin

Le plus célèbre faux de l'histoire : la donation de Constantin

La donation de Constantin est un acte, qui se révèle être un faux, par lequel l'empereur Constantin Ier était censé donner au pape Sylvestre l’imperium (cf le pouvoir) sur l'Occident. La papauté s'en servit à partir de la fin du Ier millénaire pour justifier ses prétentions territoriales et politiques. La démonstration de sa fausseté en 1440 par l'humaniste Laurent Valla est généralement considérée comme l'acte fondateur de la critique textuelle (herméneutique).

Lorenzo Valla

 

Nous sommes en 754. Le pape Etienne II est comme pris en tenaille entre les rudes Lombards installés dans le nord de l’Italie et les Byzantins qui occupent le sud de la péninsule. Tous convoitent les territoires sur lesquels l’évêque de Rome s’emploie, avec de pauvres moyens, à exercer un peu d’autorité. Au point qu’Etienne II s’en est allé chercher l’appui du roi des Francs, Pépin le Bref.

Et c’est là que les « conseillers » d’ Etienne II et de ses successeurs vont faire preuve d’une belle imagination. S’appuyant sur un récit de la conversion de l’empereur Constantin par le pape Sylvestre Ier, les Actus silvestri, datant de la fin du IVe siècle, ils élaborent une sorte de décret attribué au même Constantin et selon lequel, avant de partir établir une nouvelle capitale en Orient (cf Constantinople) : celui-ci aurait concédé « à ses saints apôtres, messeigneurs les très bienheureux Pierre et Paul, et par eux à saint Sylvestre, notre père, souverain pontife et pape universel de la ville de Rome, et à tous les pontifes ses successeurs, qui s’assiéront jusqu’à la fin du monde sur la chaire de saint Pierre […] notre palais impérial de Latran, puis le diadème, c’est-à-dire la couronne de notre tête, et en même temps la tiare […] et encore le manteau de pourpre et la tunique d’écarlate, […] et toute la pompe de la grandeur impériale et la gloire de notre puissance ».

Ainsi, l’empereur Constantin aurait fait don de l’Empire à la papauté.

« […] voici que nous livrons et abandonnons tant notre palais que la ville de Rome et toutes les provinces, localités et cités de l’Italie ou des régions occidentales au très saint pontife et universel pape Sylvestre ; et par notre pragmatique sanction, nous avons décrété qu’elles seraient contrôlées par lui et par ses successeurs et qu’elles resteraient sous la loi de la sainte Eglise romaine. »

Ce texte va beaucoup servir. Pendant tout le Moyen-Age, les papes l’utilisent pour légitimer leur pouvoir temporel lorsque celui-ci leur est contesté par les empereurs germains ou les rois français.

Au xve siècle, l’humaniste Lorenzo Valla (1407-1457) entreprend de dévoiler la supercherie. Il met en évidence les incohérences historiques et philologiques du texte, relève les tournures barbares, les contresens et les faux sens de la prétendue donation.

Les Etats pontificaux ne disparaissent pas pour autant, et, en dépit de la rigueur de la démonstration de Valla, les polémiques sur l’authenticité de la Donation durent longtemps, avec une vigueur toute particulière au moment de la Réforme ou pendant le siècle des Lumières.

Ce n’est qu’au XIXe siècle que l’Unité italienne met fin à la fiction politique d’un pape successeur des Empereurs d’Occident. Les Piémontais conquièrent Rome en septembre 1870. Plus de cinquante ans plus tard, le 11 février 1929, l’Italie de Mussolini signe avec les représentants de Pie XI les accords du Latran, aux termes desquels est créé le minuscule Etat du Vatican, garant à ce jour de l’indépendance spirituelle de la papauté.

Si aujourd’hui le pape de Rome a une autorité mondiale qui n’est pas seulement reconnue sur le plan politique, mais aussi sur le plan moral, il le doit en partie, du point de vue historique, à ce faux document.

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